Pendant tout ce temps, Stéphane et Virginie Moreau-Naudet ont su se donner les moyens de leurs ambitions, agrandissant le vignoble de 7 à plus de 20 hectares et construisant un nouveau chai beaucoup plus vaste, du côté des Vaillons, qui permet de gérer simultanément 3 millésimes. Après le décès brutal de Stéphane ce jour funeste de l’été 2016, Virginie s’est retrouvée seule aux commandes. Comme beaucoup d’amateurs, nous avions été bluffés lorsque nous avions découvert le millésime 2016, intégralement piloté par Virginie : justesse des équilibres, profondeur des arômes et des textures, précision de l’élevage, fidélité aux terroirs, tout y était. Un millésime qui fut pourtant pour Virginie celui des épreuves, celui du doute aussi, et surtout celui du courage, un courage renforcé par la solidarité sans faille dont ont fait preuve à son égard quelques-unes des plus grandes figures du vignoble chablisien, à commencer par Bernard Raveneau. En 3 ans, Virginie, accompagnée de sa fidèle « Coco » en cave, s’est clairement fait un prénom : son assurance sereine, son énergie phénoménale, son opiniâtreté aussi, tout cela force l’admiration. D’autant que la nature ne lui a pas forcément fait beaucoup de cadeaux, avec deux millésimes consécutifs aux rendements infimes, marqués par le gel puis la grêle… 2018 sonne un peu comme un répit particulièrement bienvenu dans une éprouvante tranche de vie : un millésime enfin généreux, ayant bénéficié pleinement d’une saison de croissance plutôt « paisible » et d’un été ensoleillé mais pas trop sec, ayant permis des maturations régulières et très abouties. Au final, Virginie a entré en cave des raisins d’une qualité sanitaire exceptionnelle, aux équilibres parfaits et à la richesse en jus qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps. Les vins aujourd’hui reflètent parfaitement leurs origines et les qualités propres du millésime : ils sont charnus, denses et profonds, habités par une trame minérale vibrante, qui apporte une sensation de fraîcheur et de tonicité omniprésente. Nourrissants et désaltérants à la fois, semblant dotés d’une force qui les rend quasiment « indestructibles », les vins auront absolument besoin de passer quelques années en cave pour se délier et ainsi déployer leur formidable complexité. Moreau-Naudet, un sommet chablisien, maintenant et uniquement sur la Route des Blancs !